mardi 30 novembre 2010

Cuisine campagnarde au Sichuan

     
Tofu

Porc mariné dans la sauce soja


Anguilles de rizières

Comprendre l'impossible est possible ?

  
"On constatera que des traits bien accusés caractérisent la pensée chinoise. Elle est orientée vers la culture et non vers la pure connaissance ; elle tend à la sagesse et non à la science. Elle relie l’homme à l’univers, car la nature ne forme qu’un seul règne. Il faut insister sur ce sentiment intime de l’unité du monde. Les Chinois ne songent pas à opposer le sujet et l’objet ; ils les relient. Dans cette pensée, rien ne répond à notre rationalisme, et encore moins à notre criticisme. L’ordre unique qui préside à la vie universelle se réalise concrètement par l’Entente mais ne s’exprime pas abstraitement par la Loi. La sagesse des hommes et l’ordre de la nature sont en harmonie ; la société et l’univers forment un système de civilisation." 
[…] 
"Veut-on un exemple des constatations de l’auteur? "Insistant sur le fait que les Chinois ne subissent volontiers aucune contrainte, même simplement dogmatique, je me bornerai à caractériser l’esprit des mœurs chinoises par la formule : ni Dieu ni Loi. La sagesse chinoise est une sagesse indépendante et tout humaine. Elle ne doit rien à l’aide de Dieu. Or, il faut songer que les Chinois ont conquis à leur mœurs, à leurs arts, à leur écriture, à leur sagesse, l’Extrême-Orient tout entier. Dans tout l’Extrême-Orient, de nos jours encore, aucun peuple, qu’il paraisse déchu ou qu’il s’enorgueillisse d’une puissance neuve, n’oserait renier la civilisation chinoise.""

Présentation de l’ouvrage de Marcel Granet, "La Pensée chinoise", Editions Albin Michel, Paris, réédition du 15 mars 1988 dans la Collection "Evolution de l'Humanité" (éditions originales: 1934 et 1968).

jeudi 25 novembre 2010

La face cachée enfin révélée

  

Le Hanzi (*) pour les Nuls

  
Liste des 1'000 premiers caractères les plus utilisés, par ordre décroissant. Cela ne représente toutefois qu'une petite partie (9%) du contenu de la dixième édition (2004) du dictionnaire Xīnhuá Zìdiǎn (nouveau dictionnaire des caractères chinois), qui en totalise 11'200.

On estime que, depuis l'invention de l'écriture chinoise il y a plus de 4'000 ans, le nombre total de caractères utilisés au cours des siècles devrait s'élever entre 40'000 et 60'000. Mais, près des 3/4 ont disparu ou ont été simplifiés. Pour dire que l'on est capable de lire couramment le chinois, il faudrait en connaître 3'000 à 5'000 (et, bien évidemment, leur signification isolément ou en groupes).

Quant à la prononciation, c'est une toute autre histoire...
 





(*) écriture chinoise, du mandarin "hànzì" (traditionnel 漢字, simplifié 汉字) soit: "écriture des Han", du nom de l'ethnie majoritaire.

mercredi 24 novembre 2010

Moitié de panda

 

Chaos, Dao, Entropie et compagnie

    
"La deuxière loi de la thermodynamique est une mauvaise nouvelle scientifique qui s'est trouvée grandement vérifiée dans la culture non scientifique. Tout tend vers le désordre. Tout processus convertissant de l'énergie d'une forme en une autre perd obligatoirement une partie sous forme de chaleur. L'efficacité parfaite est impossible. L'Univers est une rue à sens unique. L'entropie doit toujours augmenter dans l'Univers et dans tout système isolé qu'il pourrait contenir. Quelle que soit sa formulation, cette deuxième loi semble incontestable. Elle est vraie en thermodynamique. Mais elle a également régné sur des domaine très éloignés de la science: elle fut tenue pour responsable de la désagrégation des sociétés, du déclin économique, de la corruption des moeurs, et de nombreuses autres variantes sur le thème de la décadence. Ces interprétations imagées et secondaires de la deuxième loi apparaissent aujourd'hui singulièrement peu judicieuses. La complexité prolifère dans notre monde, et ceux qui se tournent vers la science pour avoir une compréhension globale des habitudes de la nature tireront désormais un meilleur profit des lois du chaos.

  
  (*)

A mesure que l'Univers reflue vers son état d'équilibre, s'enfonçant dans un bain de chaleur indifférencié d'entropie maximale, il s'arrange malgré tout pour créer des structures intéressantes. Des physiciens sérieux s'interrogeant sur les conséquences de la thermodynamique réalisent combien est troublante la question de savoir, comme l'a dit l'un d'eux: "comment un flux d'énergie qui s'écoule sans but peut-il répandre la vie et la conscience dans le monde ?". En outre, ce trouble s'accroît du fait de l'existence de l'entropie, une notion insaisissable, raisonnablement bien définie - en termes de chaleur et de température - pour les besoins de la thermodynamique, mais diaboliquement difficile à cerner en tant que mesure du désordre. Les physiciens ont quelques problèmes pour mesurer le degré d'ordre dans l'eau - par exemple, lors de la congélation, où l'apparition de structures cristallines s'accompagne en permanence d'une libération d'énergie. Mais l'entropie thermodynamique échoue lamentablement à mesurer le degré de changement du formé et de l'informe lors de la création des acides aminés, des micro-organismes, des plantes et des animaux autoreproducteurs, des systèmes d'information complexes comme le cerveau. Si des îlots d'ordre en évolution obéissent certainement à la deuxième loi de la thermodynamique, les lois importantes créatrices, se situent ailleurs."

James Gleick, "La théorie du chaos / vers une nouvelle science", traduction Christian Jeanmougin, Flammarion / Champs, 1991.

(*) "Dans la cosmologie chinoise, le qì (气, souffle), ou énergie vitale (元气, yuánqì énergie vitale, mot-à-mot souffle primordial), précède la scission binaire du yin et du yang, elle-même à l'origine des dix-mille êtres (万物, wànwù), c'est-à-dire tous les êtres, et indirectement les choses, qui composent le monde. Car dans la pensée chinoise, le qì est à l'œuvre dans les règnes vivants, mais aussi dans le règne minéral : les nervures du jade, en particulier, sont considérées comme inter-agissant avec les veines du corps humain." (Wikipedia)
     

mardi 23 novembre 2010

Pu Songling / 蒲松齡 / 1640-1715

  
Il y avait au Xiangxi un taoïste de la Secte du Lotus Blanc; son nom est tombé dans l'oubli. Sans doute était-ce un disciple de Siu Hongju. Il abusait les gens par ses maléfices, mais, de ceux qui admiraient son art, beaucoup s'étaient mis à son école.
Un jour, sur le point de partir en voyage, il installa dans sa grande salle une cuvette qu'il recouvrit par une autre. Puis il recommanda à un de ses disciples d'en assurer la garde sans rien soulever pour regarder. Cependant, après son départ, le disciple souleva la cuvette du dessus et vit que celle du dessous était remplie d'une eau claire sur laquelle flottait une petite barque de paille tressée, avec sa voile et son mât. Plein de curiosité, il s'amusa à la toucher avec le doigt, mais la main la renversa. Alors, il se hâta de la relever et de recouvrir la cuvette.
Le maître revint et, fort irrité, reprocha au disciple de lui avoir désobéi; mais lorsque celui-ci se dressa pour se défendre, il s'écria: "Mon bateau a chaviré en pleine mer: comment penses-tu pouvoir me tromper !".
     

...
Le taoïste de la Secte du Lotus Blanc,
traduction de Mme Guillermaz et M. Hervouet.

lundi 22 novembre 2010

Jinsha / 金沙

   
Le site archéologique de Jinsha a été découvert incidemment en 2001, lors des travaux de construction d'une route au nord de Chengdu (capitale du Sichuan). Un gisement d'une grande richesse a ainsi été mis à jour, permettant le réveil d'une civilisation restée longtemps mystérieuse, celle du royaume de Shu, qui a occupé les lieux à la fin de la dynastie Shang et pendant celle des Zhou de l'Ouest (fin de l'Age du Bronze chinois). Les vestiges du site de Jinsha sont datés entre 1'000 av. J.-C et 600 av. J.-C. et rien ne permet d'expliquer ce qui a pu provoquer le déclin ou la fin de cette civilisation. On y a trouvé des objets en ivoire, jade, bronze, or, des pierres sculptées et toutes sortes d'ornements, parures ou objets rituels religieux raffinés et de conception particulièrement élaborée.

Lien en français:
http://www.chinatoday.com.cn/lachine/2007/0705/p12.htm

Links in english:
http://www.jinshasitemuseum.com/homee.asp
http://www.chinaculture.org/gb/en_chinaway/2006-10/18/content_87105.htm
http://china.org.cn/english/culture/206053.htm
http://www.megalithic.co.uk/article.php?sid=23497&mode=thread&order=0&thold=0

Les Oiseaux-Soleil, symbole cosmogonique
d'or pur devenu emblème de la ville de Chengdu.


Terre de contrastes

  

mercredi 17 novembre 2010

Quand il pleut au Sichuan,

    
on regarde par la fenêtre et on prend une photo au hasard droit devant, pour rien. Ensuite on essaie d'en tirer le meilleur parti, par sentimentalisme, au lieu de l'effacer.
    
Vue aérienne du bâtiment d'où la photo a été prise, avec orientation dans le paysage. 
V


Localisation de l'événement par rapport à la ville de Ya'an. V
  
Situation de la ville de Ya'an dans la province du Sichuan. 
V


jeudi 4 novembre 2010

En passant par Shangri-La

    
Pour l’aventurier qui aime les terrains difficiles et les populations farouches, l’Asie centrale est un salon de jeux idéal. Mais au baroudeur en pantoufles, je conseillerais plutôt de s’installer confortablement devant son écran, une tasse de thé et quelques biscuits à portée de main, et d’activer la recherche de Google Earth en tapant: Hassan Abdal, Pakistan. Une expérience des plus fortes qu’il puisse imaginer va alors débuter: la traversée du massif du Karakoram (en Solex ou en 4x4, c’est au choix et c'est virtuel). La route N35, appelée ironiquement Karakoram Highway débute au nord de la localité d’Hassan Abdal, pour sinuer dans des vallées étroites bordées de sommets étagés entre 4'000 et 6'000 mètres.

La Vallée des Hunzas, entre autres, dont on dit qu’ils descendraient de rescapés de l’armée d’Alexandre le Grand. C’est romantique, tout le monde aime. Des histoires de Romains égarés circulent aussi en Chine, pour expliquer la présence de restes humains très anciens de type européen, que l’on retrouve régulièrement dans le nord-ouest du pays. Je pense pour ma part qu’il s’agit probablement de Scythes (plus vieille civilisation de la planète, selon Hérodote), ou de leurs cousins Thokariens (1) ou Yuezhis (1), réfugiés dans ces vallées sous la pression de l'envahisseur Xiongnu (Huns).

 La fameuse route et des slogans en l'honneur du 50e anniversaire de
la nomination de l'Aga Khan IV en qualité de Chef spirituel
des Ismaéliens (en visite dans la région).

C’est aussi dans cette banlieue de l’antimonde que James Hilton a bâti son Shangri-La (2): "From a colonnade steps descended to a garden, in which a lotus pool lay entrapped, the leaves so closely set that they gave an impression of a floor of moist green tiles. Fringing the pool were posed a brazen menagerie of lions, dragons, and unicorns, each offering a stylized ferocity that emphasized rather than offended the surrounding peace. The whole picture was so perfectly proportioned that the eye was entirely unhastened from one part to another; there was no vying or vanity, and even the summit of Karakal, peerless above the blue tiled roofs, seemed to have surrendered within the framework of an exquisite artistry". Je note au passage que si tous les Etats de la région prétendent abriter le vrai Shangri-La, devenu mythe universel, les autorités chinoises réfutent qu’on puisse le trouver au Xizang (Tibet); mais au Yunnan peut-être, et ceci pour des raisons de commodité touristique.

Une vallée succède à une autre vallée, sertie d’une couronne minérale s’élevant toujours plus haut, jusqu’aux neiges éternelles. L’itinéraire fait 700 km à vol d’oiseau, mais il faut compter le double avec les détours interminables suivant le cours de torrents turbulents ou aussi déprimés que le voyageur prisonnier du labyrinthe de pierre. A un moment où l’on en vient à penser que mourir dans cette solitude que le soleil effleure à peine doit encore être plus doux que poursuivre indéfiniment la route, à 4'700 m. d’altitude, le souffle court et les pensées confuses, on se retrouve devant le poste frontière chinois. Y a-t-il au monde un être humain suffisamment résistant, devrait-il ne pas être Chinois, pour occuper une quelconque tâche administrative dans un environnement aussi hostile ?

Une fois les formalités accomplies (elles doivent impérativement l’être en bon ordre, car il est exclu de devoir retourner au point de départ pour un document oublié), on prend la route nationale N 207 à travers des régions où les frontières sont âprement disputées entre le Pakistan, l’Inde et la Chine, une situation née de l’effondrement de l’Empire britannique en 1947. Le paysage lunaire de l’ouest tibétain vaut-il mieux que le décor martien du bassin du Tarim qui attend à Kaxgar, sur le tronçon sud de la Route de la soie, en bordure de l'impitoyable Taklamakan ?

Vous avez voulu des émotions sur Internet - c'est parfois plus dur qu'on ne le pense - et vous êtes satisfaits d’en être si bien sortis (la ration de biscuits est épuisée et le thé, froid). Mais si vous voulez tenter l’aventure dans la réalité de la réalité, oubliez que j’ai pu écrire ces lignes: je rejette toute responsabilité auprès de vos héritiers sur ce qui pourrait vous arriver. 

1) voir les articles de Wikipedia sur ces peuples oubliés d'un monde disparu.   
2) James Hilton, "Lost Horizon", Simon & Schuster Inc., New York, 1939.

mardi 2 novembre 2010

La muraille de tous les fantasmes

   

Un astronaute américain a dit un jour que la seule construction humaine visible de l'espace est la Grande Muraille de Chine.
La photo ci-dessous, prise à moins de 2 km d'altitude, permet de comparer l'emprise de la Grande Muraille, d'une ligne de trains et d'une autoroute sur un même terrain de 900 m2. Que reste-t-il alors de visible depuis une navette spatiale en orbite à 392 km ?

lundi 1 novembre 2010

Le ver qui devient plante

 
Elle m’avait raconté à deux occasions une histoire d’insecte qui se transforme en plante, mais connaissant le goût des Chinois pour le merveilleux, je l’avais remisée dans un coin de mon crâne sans plus y porter d’attention.

Mais un monde en marche perpétuelle ne peut laisser de telles prodiges ignorés. Au 15e siècle, la science médicinale répertorie pour la première fois cette "chose" aux propriétés déjà connues depuis au moins mille ans dans sa région d’origine, le plateau tibétain. Aux 17e et 18e siècles, elle fait partie intégrante de tout bon compendium de médecine traditionnelle chinoise. Objet de nombreuses études scientifiques internationale ces dernières décennies, on peut dès lors lui reconnaître officiellement les vertus qui on fait sa célébrité thérapeutique et commerciale (en 2008, la substance pouvait atteindre de 3'000 USD à 18'000 USD le kilo selon la qualité) : stimulant sexuel, régénérateur du foie et antioxydant protégeant des effets du vieillissement. C'est plus que magique, c'est tout naturel...
   
De quoi s’agit-il enfin ? Tout simplement de spores de champignons ayant envahi le corps de larves de chenilles jaunes et qui s’y développent tout en s’en nourrissant jusqu’à la mort de l’insecte. Cordyceps sinensis cela s’appelle pour les uns, ou 冬虫夏草 pour les autres (soit "ver en hiver, qui devient plante en été").