mercredi 31 mars 2010

唐詩 Poèmes de l'époque Tang

     

"Où, devant moi, sont les âges du passé ?
Et où, derrière moi, sont les générations futures ?
Je pense au Ciel et à la Terre, sans limites, sans fin,
Et je suis seul et mes larmes coulent."
  
陈子昂 Chen Ziang (661-702)

佛门 - La voie du milieu par l’octuple noble sentier

  
Pour parcourir cette voie dans toute sa richesse et son étendue, il convient d’adopter les conduites susceptibles de développer l’attention et la connaissance par une certaine "justesse" de perception (dans le sens de précision, mesure, équilibre, utilité, efficacité,…). Enfin, s'engager sur la voie demande de connaître le parcours et d'être attentif à toutes les stations.
1. La compréhension juste : celle que l’on perçoit à distance raisonnable de l’action, en évitant d’être trop impliqué ou trop distant.
2. La pensée juste : maîtrise de l’effort intellectuel pour évaluer l’impact des pensées négatives sur les réactions personnelles.
3. La parole juste : efficacité dans la communication verbale par l’attention portée au choix des mots et à leur interprétation correcte.
4. L’action juste : rester attentif aux actes en cours et comprendre leurs conséquences sur soi-même et les autres.
5. Les moyens d’existence justes : ceux qui excluent toute conséquence néfaste sur autrui, leurs biens ou leurs conditions de vie.
6. L’effort juste : dans l’accomplissement de toutes les conduites déjà citées visant à réduire la souffrance et l’enchaînement des causes et des effets.
7. L’attention juste : induite par l’expérience de la méditation, qui vise à reconnaître ce qui appartient au monde extérieur sans se laisser absorber par lui.
8. La concentration juste : une connaissance précise des mécanismes perceptifs, sensoriels et cognitifs offre les conditions idéales pour une mise en application des principes des quatre nobles vérités et de l’octuple noble sentier.

mardi 30 mars 2010

Il est interdit de... ne pas être un peu artiste

        













"Les fleurs et les herbes vivent aussi
mes mains et mes pieds doivent avoir pitié".

(Parc du site archéologique Jinsha, Sichuan)

vendredi 26 mars 2010

Trois haïkus pessimistes

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Oui, je le déclare,
La mort lente la plus horrible
C’est encore la vie…
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Ce philosophe dit :
"Je hais la nature humaine,
Cette faiblesse indigne !".
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C’est le conformiste,
Il attend qu’on lui donne juste
Le droit d’être heureux.
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jeudi 25 mars 2010

Homo erectus pekinensis

            












Ce n'est pas l'homme invisible, mais un Pékinois équipé pour affronter la tempête de sable.
(Crédit photo: Agence Xinhua)

mardi 23 mars 2010

Richard-Toll 35 ans après

                                                                                              


L’image par satellite du 2 octobre 2005 contraste fortement avec le souvenir que j’avais gardé de l’endroit. C’est surtout l’extension de la surface de canne à sucre qui frappe au premier regard. D’ouest en est, soit de Rosso à Dagana, et jusqu’au Lac de Guiers au sud, la verdure occupe maintenant le tiers d’un rectangle de 30 km sur 15, ce qui correspond à environ 15'000 hectares. Ce déploiement du casier s’accompagne d’un important développement du réseau d'irrigation. Deux canaux de grande taille ont été creusés pour augmenter vraisemblablement le débit de la Taouey, chargée, elle, d’alimenter le Lac de Guiers aux périodes où les eaux du fleuve Sénégal sont les plus abondantes. On demande alors au lac, en période de faibles eaux, de restituer son contenu aux cultures. La portion nouvelle, bordant le fleuve à droite de la photo, était autrefois inondable et mise en cultures potagères par les villageois après le retrait des eaux. Le retour des pluies de 1975 avait également permis le retour à des récoltes normales et, par voie de conséquence, la prolifération des rongeurs. Je me suis aventuré un jour imprudemment sur ce terrain, pour constater que tiges et feuilles étaient agitées de tremblements sans qu'il y ait trace de vent: il s'agissait simplement d'une population de plusieurs milliers de rats bruns en train de festoyer.
L’urbanisation s’est étendue dans toutes les directions disponibles : principalement vers Rhouma (qui s’écrivait autrefois Khouma et dont le terrain désertique a été le point de chute d’une foule de réfugiés lors de la sécheresse de 1967-74) et au sud d’une nouvelle route tracée entre la piste de la Taouey et la route de Dagana, à son croisement avec la piste menant à un plan à sol dur dégagé de cailloux et baptisé "aéroport". Un DC-3 s'y posait parfois, quand toutes les conditions favorables à la survie des passagers et de l'équipage étaient réunies. C’est à ce carrefour, sur une colline, que se situe la "cité" des expatriés, maintenant presque enfouie dans une végétation qui n’existait pas il y a 35 ans (alors que le soleil tapait aussi dur). C’est très précisément dans le bâtiment au bord sud de la piscine et dans celui qui le suit à droite, que j’ai connu les vertiges des dimanches sans but et que j’ai entamé une abondante correspondance qui devait se poursuivre d’un siècle à l’autre au sein de la blogosphère.

lundi 22 mars 2010

Hauts et bas autour du Grand Bouddha


Leshan

"L'Automne à Pékin"

    
Incontestablement, Boris Vian a eu raison de dire que l'automne est la meilleure saison pour visiter la ville. Actuellement, les tempêtes de sable venues de Mongolie Intérieure plongent les habitants de la capitale dans l'inconfort depuis samedi. Dans cette région proche, la désertification est en marche, accélérée par l'élevage nomade de chèvres au poil soyeux produisant le cachemire. La Chine, qui fournit 95% du marché mondial, a tiré l'enseignement de l'élevage intensif de ces bestioles sur les conditions climatiques, et contrôle le nombre de têtes et les lieux de pâture pour mieux gérer la situation. Pour en revenir à Beijing, la pluie va succéder au sable dès le mois de mai (été chinois), pour enfin offrir une météorologie optimale début septembre, avant le froid glacial de l'hiver. Cela observé, on peut se demander pourquoi, au 15e siècle, l'empereur Yongle a décidé de déplacer la capitale dans un endroit aussi peu favorable: les experts en Feng Shui devaient sans doute manquer à l'époque, tout comme les prévisions météo (*) de CCTV1.

(*)  天气预报 = 天气 météo ( ciel force) + prévisions ( d'avance journal).

vendredi 19 mars 2010

Au plus bleu des collines

   
Le bassin du Min Jiang depuis le téléphérique de Mendingshan

佛门 - Les quatre nobles vérités: #4

       
Le bouddhisme souhaite arriver à la libération de la souffrance et de la dépendance aux attachements, par la connaissance des influences extérieures et des sentiments que ces dernières génèrent, dans une voie qualifiée de "troisième voie". Troisième parce que se situant entre deux extrêmes, dont l’une est constituée par la soumission aux sentiments dictés par la matière, et l’autre par le désert affectif qui résulterait de l’élimination volontaire du sens physique : cette voie est appelée "l’octuple noble sentier". Et on pourrait en reparler, si les singes, les pandas, les fantômes et la vie aventureuse sous les collines bleutées du Sichuan m’en laissent le loisir.

jeudi 18 mars 2010

A chacun sa cité

  
Cité interdite publique

Cité interdite privée

佛门 - Les quatre nobles vérités: #3

      
On aura bien compris qu’il est hors de question, dans ce propos, de renoncer au monde pour faire cesser la souffrance liée au versant sombre des attachements. Nier, rejeter, abandonner, rompre, serait encore propice à souffrance, voire même à déséquilibre. Mais parvenir à identifier la démarche mentale dans laquelle la souffrance répond à nos sollicitations et à nos investissements, va permettre de reconnaître causes et effets, puis d’être suffisamment vigilant pour rebondir par tel ou tel type d’attitude ou de comportement. Connaître le monde et ses dangers, tout en se connaissant soi-même, permet de neutraliser ce qui pourrait éventuellement conduire à un drame personnel. C’est aussi faire preuve d’un certain réalisme.

mercredi 17 mars 2010

Gnomes, lutins et farfadets au Sichuan

     
Telle montagne est consacrée au thé, une autre est dédiée aux pandas, alors qu'une troisième est investie par les singes. Le Sichuan étant au centre d'une multitude de légendes et d'épopées historiques chinoises, les siècles s'y bousculent, la réalité tend à surprendre l'imagination et il ne faut pas s'étonner que des phénomènes étranges surviennent lorsqu'un touriste mal préparé s'aventure sur un site où règnent les esprits malins, les demi-dieux, les monstres ailés ou encore les fantômes espiègles.

Il arrive donc, au moment d'appuyer sur le déclencheur de l'appareil, que l'on croit photographier ceci:


alors que l'on obtient cela:

  
L'esprit des lieux est facétieux, autant que cosmopolite, et ça fait partie des charmes indéniables du Sichuan.

佛门 - Les quatre nobles vérités: #2

   
Les raisons de la souffrance ne peuvent en aucun cas être imputables à la fatalité ou à une quelconque divinité : c’est en soi qu’il faut aller les déraciner. En cherchant bien, il apparaît que c’est à la suite d'un sentiment de manque, d’une insatisfaction, d’une perte, que la souffrance apparaît : en réaction à un espoir déçu, à une volonté inaboutie, à une joie ternie, à une attente sans écho, à un amour non partagé et quantité d'autres sujets susceptibles de créer un contrecoup. C’est donc le résultat d’une réaction d’une chose sur une autre, de l’existence d’un lien et d’une dépendance. En résumé, on peut dire que la souffrance est tributaire d’un attachement fort - et parfois obstiné-, que ce soit aux sens, aux biens matériels, aux idéaux, aux croyances, aux théories, aux idées ou encore aux personnes - quoiqu’il faille encore contraster ce dernier exemple. Mais il n’y a aucune raison d’être exposé à tant de motifs de souffrance sans pouvoir se défendre en relativisant nos attachements.

mardi 16 mars 2010

L'opéra du Sichuan

      
Le théâtre de Shangli

佛门 - Les quatre nobles vérités: #1

  
La première d’entre-elles repose sur le constat que la vie de tout être s’accompagne parfois - ou même trop souvent, avec le recul des années - de moments de souffrance; souffrance au sens très large de dépendance à l’inachevé, à l’imparfait, au corrompu, à l’impermanent, dépassant ainsi la stricte acception de souffrance physique, mentale ou psychique. Il apparaît vite que l’impermanence est la règle en ce monde et la transition, la façon naturelle de passer d’un état à un autre. Tout change en apportant satisfaction ou insatisfaction, plaisir ou déplaisir. Si les événements tragiques sont sources de souffrance, le simple fait de se voir soustrait un plaisir, ou encore la perte d’un bien à valeur symbolique en sont d’autres. Mais tout se transforme aussi autour de nous, par la combinaison d’éléments faisant partie de notre environnement physique et humain, sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir d’intervention et que nous pensons devoir subir. La naissance, la mort : entre ces deux cases, l’existence humaine est digne d’un Jeu de l’Oie dont l’issue fatale est connue d’avance. Pas de quoi se réjouir, et pourtant….

lundi 15 mars 2010

Chengdu: stratégie & plan d'action

  
Chengdu: Renmin Road South 2nd Section
      
    
Minshan, 11:00: brume sichuanaise 
 
 Jinjiang, 19:30: banquet sichuanais   

N.B.: ... dire qu'il n'y a que la rue à traverser manque totalement de jugement: car la rue, la voilà ! Même à un athlète comme moi il est impossible de traverser les 8 pistes dans le temps accordé aux piétons. La sélection naturelle fait des ravages au Sichuan.

 

Shijingshan: fin du tour du pâté de maisons

 
 
  

De retour juste à temps pour prendre le petit-déjeuner: le jardin est maintenant devant mes yeux, plein sud, alors que des croissants se jettent dans mon estomac après avoir pris un bain de café.

jeudi 11 mars 2010

Croisement Lugu Road et Yinhe Street, 07:30

        
  
Agrandir le plan

N.B.: pour s'engager dans une telle aventure, un plan détaillé et quelques photos récentes prises par satellite sont indispensables: il s'agit rien moins que de faire le tour du pâté de maisons !

mercredi 10 mars 2010

Les Yi

  
On dit les Yi (彝族) descendre du peuple Qiang, occupant autrefois l’ouest de la Chine, ou encore être les ancêtres de peuples autochtones du sud-est tibétain. Depuis longtemps répandus dans les régions montagneuses des provinces du Yunnan et du Sichuan, ils constituent en effectif le septième groupe ethnique de Chine sur les 56 existants. Ils s’expriment dans une langue tibeto-birmane s’écrivant avec un système à syllabes voisin du chinois (*).
(*) Wikipedia

  
Jeune dame de l'ethnie Yi, guide touristique au Sichuan. Pour aborder cette charmante personne, il faut parler sa langue ou le mandarin; autrement, toute tentative de rapprochement est vouée à l'échec. Engager un interprète n'est pas non plus ce qu'il y a de plus romanesque. Et je dissuade quiconque d'essayer de l'enlever: le code pénal chinois n'est pas écrit sur de la soie.

Ballade à Badaling

     

What's up, Doc ?

    
Une pièce n’est jamais la même, considérée du point de vue de l’acteur ou de celui du spectateur. Pour l’acteur, il s’agit avant tout d’incarner un personnage et de respecter le texte. Pour le spectateur, de comprendre le drame dans sa totalité et d’en tirer une morale. Dans l’action, l’acteur peut-il imaginer ce qui se passe dans la tête du spectateur, ou le spectateur partager le travail de l’acteur ? Encore plus: l’un et l’autre sont-il capables de se mettre à la place de l’un pensant à l'autre ?
Ce n’est pas plus compliqué que ce que notre psychologie individuelle nous incite à faire instinctivement à longueur de journée dans nos relations avec nos semblables.

Ayutthaya

  
Pour aller à Ayutthaya, nous avons deux types de transports à disposition : la limousine de l’hôtel ou le train. Voulant coller au plus près de la réalité locale, nous décidons de nous faire conduire à la gare de Bangkok par la limousine et de poursuivre en train. Certainement le bon choix, puisqu’il a permis de faire le plein de toutes les réalités "véritables".
Les horaires sont ainsi faits qu’un train ne comporte qu’une seule classe de wagons par heure : ce qui signifie que si nous ne voulons pas prendre la troisième classe, déjà à quai, le prochain départ est dans une heure. Nous n’aimons pas attendre - un vilain défaut de snob -, même pour voyager en première classe. Dans les wagons de 3e, le contrôleur nous conduit aux places disponibles et fait respecter un espace vital suffisant pour nous caser au milieu des bagages et colis de toutes sortes. Régulièrement, une personne passe balayer le sol et enlever les déchets. Pour les longs trajets, il est possible de disposer d’une sorte de compartiment avec un matelas posé au sol pour voyager "mou".
Seul genre de véhicule disponible à Ayutthaya, le Tuk-Tuk : fourgonnette Vespa avec des banquettes en plein air à l’arrière. Au bout de trois cents mètres Kiki grimace : elle est enceinte de trois mois et cet engin, déjà infernal à cause du bruit et de la fumée, saute dans tous les nids de poules de la route. Finalement, elle convient que si le futur enfant est toujours en place au bout du trajet, c’est qu’il tient vraiment à venir au monde.
C’est certainement le cas, puisque la visite du site historique c’est bien déroulée, le retour en train aussi, et que l’enfant en question a maintenant 22 ans.

大佛

  
  
Willem Dafoe est un acteur, scénariste et coproducteur américain, né le 22 juillet 1955 à Appleton (Wisconsin, États-Unis). En mandarin, 大佛 (Dàfó) signifie Grand Bouddha. Donc, voici une photo de la tête du Grand Bouddha de Leshan et une autre de Willem Dafoe: on peut maintenant chercher les 7 différences.
     

De l’amour

      
Qui n’est pas à chercher très loin, puisqu’il siège à côté de la Vérité, sœur de la Simplicité.
Les Apparences, malgré leur soin à le cacher sous divers voiles, ne peuvent tromper celui ou celle qui a été appelé à le rencontrer : le jeu complexe des relations humaines, qui a tissé ces voiles, n’a pas pour vocation d’attirer le malheur sur les acteurs du drame, mais pour protéger le mystère du rôle titre de la pièce. Si bien qu’on ne devrait  jamais vraiment savoir ce qu’est l’Amour.
Mais on se trouve nez à nez au moment dicté par une mise en scène impossible à choisir ou à répéter. Il ou elle est là, et les circonstances entourant cette présence n’ont rien d’une mécanique que l’on peut remonter, avec cet inconnu ou cette inconnue qui vous dit au moment d’une rencontre la moins prévisible: "c’est toi ?" alors que, d’une façon implacable, vous êtes précisément en train de penser la même chose…
Le cas s’est déjà présenté sans doute à vous dans le passé et vous n’avez pas été capable de maîtriser la direction du destin qui vous entraînait ailleurs. Vous y pensez parfois en vous posant la question dans sa rationalité tragique : "que s’est-il passé ?". Le "pourquoi ?", qui devrait normalement y faire suite a un telle charge émotive, que vous ne faites qu’ébaucher la question. Je ne puis obliger quiconque à répondre, comme je ne le fais moi-même.
C’est arrivé il y a déjà longtemps et l’âge ne semble plus vous autoriser cette forme de spontanéité, bien que vous laissiez encore au hasard la possibilité de répéter l’expérience, craignant toutefois le ridicule ou l’incongruité de vous exposer. Pourtant, cela fait partie d’une comédie à laquelle rien n’est jamais impossible; ce qui laisse encore le goût d’en attendre le meilleur.

mardi 9 mars 2010

El Camino Real

   
Plusieurs heures déjà que la voiture est engagée sur la route côtière, sans possibilité de rejoindre l’autoroute qui pointe son nez droit au sud, à l’intérieur des terres mais à des miles de l’excitation d’un voyage hasardeux. Imaginons maintenant que nous sommes l'après-midi d'une journée de fin novembre.
Là où nous naviguons, un grain se prépare : les vagues creusent toujours plus profondément un océan qui nous fait grise mine, des bouffées de vapeur sorties de canyons latéraux enveloppent de grandes portions du paysage. Entre bruine et crachin, la condensation se déverse avec largesse sur le pare-brise et laisse entrevoir des fantômes de décor californien : forêt de redwoods et cabanes en planches accrochées à la colline.
Quand la végétation diminue, c’est le signe plutôt mauvais que la route va aborder une zone de falaises, où la voiture va être exposée aux dérapages sous l’effet du vent et de la pluie, alors qu’en contrebas, des vagues rugissantes réclament leur proie en bondissant.
L’expérience ne touche pas encore à son terme. La nuit tombe, Kiki dort - elle dort toujours en  voiture - et c'est préférable. De nombreuses causes de palpitations sont encore à redouter avant d’arriver à Santa Barbara, par le curieusement nommé "El Camino Real". Dantesque : mais pour rêver d’union intime avec l’âme de la nature, on ne peut pas souhaiter dépucelage plus réaliste.

lundi 8 mars 2010

藏酋猴(Macaca thibetana)

  

Quand l'ombre du macaque tibétain plane sur les vallées du Sichuan

   
Un froissement de feuilles et quelques murmures dans le groupe, traduisibles en français par : "Ho ! Ho !", troublent la méditation consécutive à la fatigue d’une longue marche dans le monde vert émeraude du Mont Emei. Sans avoir pu suivre sa trajectoire acrobatique, depuis qu’il a surgit du rideau d’arbres, je réalise qu’un singe est devant moi et que son énergie est toute concentrée sur les petites fraises sucrées du panier que je tiens à la main. Je dois rapidement admettre qu’un conflit d’intérêts nous oppose et que, si un duel n’est pas à exclure, la cruauté de ses morsures doit être à la mesure de l’avidité de son regard sur mon bien.
Comment convaincre un animal que j’affronte pour la première fois, de la légitimité de mes droits sur ces fraises ? Je suis capable de faire croire n’importe quoi à un chien, ou éventuellement à un jeune chat, mais un singe… En Europe, un tel dilemme pourrait figer la situation jusqu’à la mort de l’un ou l’autre des antagonistes ou, dans un meilleur cas, jusqu’à ce que l’objet du litige ne soit plus consommable. Heureusement qu’on ne rencontre pas de singes à l’état naturel en Europe et, qu’en Chine, un promeneur gesticulant avec un bâton puisse venir mettre l’intrus en fuite.

Sans danger, on peut regarder la vidéo de vrais touristes malmenés par des macaques tibétains:
http://www.cafaitrire.com/?article266/touristes-belges-singes
ou le sort tragique d'un paquet de biscuits éventré par l'un de ces monstres à quatre mains:
http://www.youtube.com/watch?v=XS8I5lQfNyg

vendredi 5 mars 2010

Saint Jorge Luis Borges, priez pour nous..

  
Le vent du nord-est porte en ses flancs des odeurs de bétail et de fleurs séchées, odeurs arrachées à la campagne avant d’être semées aux quatre coins de la ville, faisant venir des envies de liberté aux gens enchâssés dans ses murs.
Parfois, la rondeur d’une lune arrogante s’accouple au vent pour les importuner jusqu’au fond de leurs réduits, comme l’œil d’une idole despotique exigeant son tribut de fantasmes. Jusque-là prisonnière des mots, l’imagination des reclus gagne en consistance et en originalité à mesure que l’excitation des nerfs s’approche du bouillonnement. Il n’est pas impossible alors, de voir changer attitudes et comportements, même si chacun est en position de redouter la dérive, avec la volonté de s’y opposer de toute la force de ses convictions.
D’abord limités à l’apparence de fumerolles échappées d’un volcan qu’une malédiction a ranimé, des idées vont se joindre à d’autres idées, s’amoncelant au-dessus des toits en une épaisse chimère pour former le couvercle d’un chaudron infernal. Fuyant la menace, je m’enferme dans la bibliothèque, confiant à la propriété occulte des livres de me servir de rempart contre les émanations toxiques de milliers d’intellects échauffés, envahissantes comme les scories d’un nouveau Pompéi.
Depuis l’apparition de l’espèce humaine, y aurait-il encore une rêve non formé ou un désir non exprimé et, depuis Gutenberg, tout n’a-t-il pas été imprimé ? Cette forteresse littéraire peut absorber toutes les représentations mentales retombant en micro-organismes pathogènes, les dissoudre, les pomper, les effacer. Toutes, en principe.
Sauf celles auxquelles je crains de manière superstitieuse ne pouvoir échapper : il s’agit du livre que je porte en moi en projet depuis plusieurs années, et dont seules quelques notes liminaires ont été écrites. Thème assez étrange, en vérité, d’un monde imaginaire où les idées peuvent être nuisibles à la santé, lorsqu’elles émanent d’esprits torturés par leur propre existence, et qu’un poète parvient à faire – c’est une image – éliminer ou "réabsorber" par les livres mêmes dont elles n’auraient jamais dû échapper. Plus concrètement, le récit devrait débuter par des phrases incitant volontairement au désarroi par leurs tournures surprenantes, comme : "Le vent du nord-est porte en ses flancs des odeurs de bétail et de fleurs séchées, odeurs arrachées à la campagne avant d’être semées aux quatre coins de la ville, faisant venir des envies de liberté aux gens enchâssés dans ses murs"…

lundi 1 mars 2010

Le Masque d'Or


The Mask of Fu Manchu est un film américain de 1932. En résumé: "L'expédition menée par sir Barton parti à la recherche de la tombe de Gengis Khan, tombe entre les mains du redoutable Dr Fu Manchu qui a pour dessein de s'emparer de l'épée et du masque d'Or pour dominer l'Asie."

Le masque ci-dessous se trouve à Jinsha, près de Chengdu, où il est bien gardé: plus question de dominer l'Asie.

Entretien avec le super calculateur C.A.R.L.

    
C.A.R.L.:
- à propos, vous permettez que je vous pose une question personnelle ?
Dave:
- vas-y
C.A.R.L.:
- eh bien, pardonnez-moi d’être aussi indiscret, mais durant ces dernières semaines, je me suis demandé si vous n’aviez pas quelque arrière-pensée concernant cette mission.
Dave:
- que veux-tu dire ?
C.A.R.L.:
- mon impression est assez difficile à préciser. C’est peut-être une manifestation de mon souci de perfection. Je sais que je ne me suis jamais entièrement libéré d’un certain sentiment selon lequel cette mission comporte des aspects extrêmement étranges. Vous conviendrez, j’en suis sûr, qu’il y a une part de vérité dans ce sentiment.
Dave:
- je ne sais pas, c’est assez difficile de te répondre.
C.A.R.L.:
- est-ce que ça vous ennuie d’en discuter, Dave ?
Dave :
- oh, pas du tout…
C.A.R.L.:
- bien: il était difficile de ne pas accorder quelque attention aux étranges rumeurs qui circulaient avant notre lancement. On parlait d’un objet mis à jour sur le sol lunaire. Au début, je ne faisais aucun cas de ces racontars. Mais j’ai de plus en plus de peine à les ignorer lorsque je les rapproche d’autres faits d’apparence insignifiante. Par exemple, le secret absolu dont furent entourés tous les préparatifs de cette mission et le côté mélodramatique de l’embarquement des professeurs Hunter, Kimball et Kaminski, préalablement mis en état d’hibernation après 4 mois d’entraînement intensif.
Dave:
- tu fais un rapport psychologique sur l’équipage ?
C.A.R.L.:
- naturellement. Je m’en excuse. Je sais que c’est un peu ridicule… un instant… un instant !… Je viens de détecter une déficience de l’antenne radar. L’élément AE35 doit cesser de fonctionner dans 72 heures…

Et ce fut le début de la fin, on s'en souvient.
Moralité: on ne se méfiera jamais assez d’un ordinateur au langage précieux.

"2001, l’odyssée de l’espace", film de Stanley Kubrik. scénario de Stanley Kubrik et Arthur C. Clarke.

L'Aventure, c'est l'Aventure

    
A toi qui est devenu mon héros, après l’avoir été pour toi lorsque tu étais tout petit. Ce papa qui n’ose toujours pas demander si notre si longue séparation a pu te faire du mal ou installer un écart irrémédiable entre nous. Le rite dérisoire du téléphone dominical pendant vingt ans avait-il un sens, même s’il était pour moi un recours désespéré pour éviter le naufrage ? Il y a énormément de pudeur entre nous: puisse au moins cela passer pour du respect.
Et pourquoi ne pas maintenir le mystère de ce papa un peu plus vieux que la moyenne et qui a fait des choses insolites dans son bel âge: voyager, vivre en Afrique, qui savait dessiner ou pouvait te raconter inlassablement l’histoire de la vie sur Terre en insistant, selon ta curiosité, sur les dinosaures, les Romains ou les chevaliers.
Un papa qui n’a jamais eu la patience de prendre le temps nécessaire de décrocher le jackpot et qui t’initiait au golf quand il en avait la possibilité, ou t’emmenait en virée à Saint-Tropez une année faste. Ou on restait à la maison à construire des Lego de plus en plus compliqués. On visitait aussi la famille, tellement européenne dans la généralité de ses particularités. Ce qui a vite élargi ton horizon à la planète tout entière: à l’âge de 15 ans, l’idée d’avoir déjà posé le pied dans 30 pays différents te mettait en joie.


La course du temps resserre les délais. Nous avons vécu si longtemps avec cet espace stupide de 1’000 kilomètres entre nous, que j’avais le scrupule d’en ajouter 7'000 de plus et partir en Chine trouver une situation matérielle meilleure. Tu as maintenant ton propre destin à portée de mains et je crois le moment propice à cette ultime excentricité de ma part: y renoncer serait hâter ma fin par manque d’audace. Quoi que tu aies pu dire jusque-là sur l’Asie, sans doute par provocation ou amour-propre, je sais que tes visites seront fréquentes.
Ta mère et moi entretenons la meilleure estime, donnant l’illusion que les nuages du passé sont dissipés. Elle aussi s’étonnait de ce choix de partir au "bout du monde" alors que, disait-elle, j’étais un vestige de l’ancienne Europe, celle des rois et des châteaux. "Justement !" et de lui expliquer que la Chine renaît de ses cendres comme le Phénix de la Cité Interdite, que le pire est à venir sur le Vieux Continent et qu’y survivre sous le regard éteint de valeurs mortes ne peut mener qu’à une folie très ordinaire.
Je vais donc continuer à imaginer ta présence, où que tu sois, comme je le fais depuis ta naissance.
Ca ne pourrait être autrement.

Les oiseaux-soleil

  
     

Les Quatre Saisons d'Antonio Vermeer

   
Et les berges de guingois des canaux d’Amsterdam : le canard et sa compagne fuyant notre approche en sautant à l’eau glauque, insensibles à l’humidité qui enveloppe tout et que les ventres ronds et noirs des nuages sont appelés à pérenniser, saison après saison.
Ce vent étourdissant du bord de mer ; cette bande de sable que le fascinant mouvement des vagues compacte inlassablement en vue de favoriser la procession des promeneurs hébétés par la vigueur des éléments, un dimanche d’hiver à Zandvoort, à Scheveningen ou à Hoek van Holland.
Une chambre sous le toit pentu à Schiedam, où l’on se réveille confiant un samedi de printemps avec le fond sonore d’une foule bavarde passant d’échoppe en boutique sous la fenêtre, dominé de temps en temps par la cadence martiale d’un orgue évoquant une débauche de vaisselle brisée. Fenêtre ouverte la veille au soir pour ne laisser entrer que le carillon du clocher et l’écho des pas ricochant aux murs des rues étroites.
Le travail du peuple artiste ayant dessiné ce pays, révélé kilomètre après kilomètre sous le ciel immaculé de fin juin, quand nos bicyclettes, après avoir quitté la piste serpentant entre des dunes sans fin, se sont mises à planer – pour ne pas déranger - au-dessus d’un tableau de maître où la gare de Vogelenzang est le nombril d’un monde peuplé de villages de poupées et de vaches miniatures.
Et cet ancien moulin où l’on avale des moules par kilo, ou encore l’auberge basse de plafond où je voulais te faire découvrir la saveur insolite des crêpes au lard et à la mélasse. Tout comme la tarte au pommes nappée de chantilly, qui attend son prédateur au fond du bois de Groenendaal, passé en orange pour quelques jours, dans une charmante bâtisse du XVIIIe où l’on a allumé la cheminée.
Tu ne le verras jamais. Mais on ne doit pas le regretter : là où nous allons, tu as tellement de souvenirs bons ou amers à retrouver, que ceux-ci vont submerger l’espace réservé aux émotions que je souhaitais te faire partager.
Je crois que c’est très bien comme ça.