vendredi 29 octobre 2010

  

Péril jaune comme un coing

 
"Aussitôt après la déclaration de la guerre [guerre Russo-Japonaise, 1904-1905], en Russie naturellement, mais aussi en France, en Belgique, surtout en Allemagne, on invoqua le "péril jaune", la lutte des races: Blancs contre Jaunes, civilisés contre barbares, chrétiens contre païens. C'était la philosophie des dessins de Guillaume II: l'archange Michel, glaive levé, menaçant les Jaunes; c'était aussi la philosophie de ses propos sur les États-Unis d'Europe croisés contre la Barbarie. Après Liao-Yang, après Moukden, confusément on se représentait le monde jaune — Coréens, Siamois, Annamites, Chinois, conduits par le Japon — tombant sur les Blancs; ce serait une catastrophe soudaine, irrémédiable, à laquelle il faudrait se résigner: une digue qui se rompt, un flot jaunâtre recouvrant d'un coup notre civilisation toute blanche.

Il est curieux que nous continuions de nous représenter l'Asie et ses hordes avec les mêmes mots et les mêmes images qu'employaient au XIIIe siècle les contemporains de saint Louis qui entendirent parler des Mongols ou qui les virent. Nos idées sur le péril jaune datent de six siècles et demi. Quand les Mongols débouchèrent sur le Don, Polonais, Allemands, Hongrois les croyaient innombrables, tant la terreur qu'ils inspiraient était grande. En moins de trente jours, ils conquirent la Pologne et la Silésie, depuis la Vistule jusqu'à l'Oder et aux Marches de Saxe; on les vit sur l'Adriatique; ils occupaient la Hongrie quand ils refluèrent sur l'Asie. L'Europe, très bien espionnée par les Mongols, les ignorait presque et n'avait pas prévu leur avance. "Dans cette curieuse invasion des barbares, a-t-on pu dire, les vrais barbares ne sont pas les envahisseurs orientaux, mais les occidentaux envahis" (L. Gahun. Introduction à l'Histoire de l'Asie). La formule est aussi vraie de la guerre qui s'achève.

L'Europe continentale est restée sur le souvenir de l'Asie de Gengis Khan, unifiée, organisée pour de grandes expéditions. D'où vient cet anachronisme? C'est que, depuis le XIIIe siècle, les communications par terre, jadis actives, entre l'Europe et l'Asie orientale, furent rompues. L'empereur mongol résidant à Pékin, la sûreté des deux grandes routes ne fut plus assurée: celle du Pé-Lou (Pentapole) [Beilu = route du nord] était interceptée sans cesse par des révoltes, celle du Nan-Lou (Hexapole) [Nanlu = route du sud] fut à la discrétion des sultans de Transoxiane [région d'Asie centrale occupant l'Ouzbékistan et une partie du Kazakhstan] autonomes; puis l'Islam s'interposa comme un écran entre l'Orient bouddhique et l'Europe chrétienne; les Turcs enfin bouchèrent les routes de terre, et aussi la route de l'Euphrate qui ouvrait la route de mer jusqu'à Canton. Ainsi séparés, les deux mondes pendant des siècles s'ignorèrent; les rapports par mer depuis un demi-siècle, depuis les guerres de 1840 et 1860 [les deux guerres de l'opium], n'ont pas suffi pour rendre familières à l'Europe les choses d'Extrême-Orient, pour changer les mots et les images qu'évoque le péril jaune."

Louis Aubert, "Paix japonaise", édition Librairie Armand Colin, Paris, 1906.

mardi 26 octobre 2010

Les magouilles, la politique et le bien public: question universelle

    
Le Parlement chinois a commencé sa quatrième lecture d’un projet de loi visant à empêcher l’utilisation impropre des fonds de Sécurité Sociale. Ceux-ci ne pourront plus servir à couvrir des déficits budgétaires, construire ou rénover des locaux ou payer les dépenses régulières des agences des gouvernements (il faut comprendre : les gouvernements des provinces et ceux des entités municipales spéciales).
Un premier projet de loi avait été soumis au Parlement en 2007, à la suite d’un scandale retentissant impliquant des hauts fonctionnaires de la ville de Shanghai, et leurs partenaires en corruption à la tête d’entreprises d’Etat de la région, qui ont avancé l’équivalent de 500 millions de dollars US puisés dans les caisses de la Sécurité Sociale, à une société privée d’investissements immobiliers à caractère spéculatif.

"Radio Couloirs" présente trois versions de l’affaire :
                 
cette offensive est un épisode du bras-de-fer entre Hu Jintao (Président en exercice) et la Clique de Shanghai restée fidèle à Jiang Zemin (ancien Président) - (20% favorables) ;
il s’agit d’un échange d’amabilités entre Wen Jiabao (Premier Ministre en exercice) et Chen Liangyu (Chef du Parti Communiste de Shanghai et Maire de la ville), qui s’étaient déjà violemment disputés à Beijing lors d’une séance budgétaire, alors que le dernier prenait soudain conscience que la manne céleste ne tomberait désormais plus sur Shanghai comme cela avait été le cas sous la présidence de Jiang Zemin - (30% favorables) ;
Chen Liangyu et son clan sont les champions de la corruption tous azimuts (d'ailleurs, Chen a une vie privée scandaleuse) : il n’a pas supporté de voir la source se tarir et s’est lancé dans une magouille à la hauteur des ambitions de Shanghai, pour soutenir le prestige de la cité et assurer les retombées que lui et ses commensaux pouvaient en attendre (se disant toutefois que, si l’affaire devait mal tourner, le public croirait que c’est à cause des points 1 et 2) - (50% favorables).

La Banque Industrielle et Commerciale de Chine est venue à la rescousse des Caisse de retraites victimes du délit, alors qu’un ou deux malfaisants parmi les plus affreux étaient condamnés à mort (avec sursis, pour les sensibilités occidentales), les autres saqués et la place nettoyée.

Si l’on sait nettoyer efficacement en Chine, on sait aussi construire efficacement pour le bien de la collectivité tout entière: un partenariat a été mis en place avec l’Union Européenne dès 2006, pour une coopération dans le domaine de la formation du personnel, du soutien technique et des échanges d’expériences, lors de la mise en place de systèmes d’assurance-vieillesse, d’assurance-maladie et d’assurance contre les accidents du travail. Des projets-pilotes ont été menés de façon satisfaisante à Beijing, ou dans les provinces du Jilin, du Sichuan, du Hunan et du Gansu. Sachant que le Sichuan compte déjà près de 90 millions d'habitants, cela montre l'ampleur de l'opération mise en place et ce qui précède plus haut, l'ambiance dans laquelle elle peut se dérouler.

mercredi 20 octobre 2010

Des Capétiens aux techniciens


Au sujet de Philippe II Auguste et de la naissance de la puissance publique:
     
"Alors que les Capétiens ne concevaient  l'unité du royaume que comme une somme féodale dont ils réclamaient la soumission mais non l'uniformisation, leurs légistes, "plus royalistes que le roi", s'acharneront à faire tout descendre du souverain et à tout faire remonter à lui, utilisant, avec une passion froide et une ténacité féroce, tous les arguments et arguties que le droit, existant ou reconstitué, mettait à leur service.
Au contraire de leurs prédécesseurs, ce n'est pas seulement l'appât du gain qui les motivait, mais une sorte de goût du pouvoir pour lui-même, de la jouissance et de la dignité qu'il procure, de l'ascension sociale qu'il permet.
Du XIIIe siècle date certainement cette bourgeoisie fonctionnaire, dévouée, adossée au pouvoir central auquel elle doit tout, qu'elle cherche constamment à renforcer et qui fait qu'en France bureaucrates puis technocrates ont pu souvent contrebalancer (tout en les servant en dernière analyse) les puissance d'argent." (*)

Plus loin, à propos de Philippe IV le Bel et de ses fils:

"Mais ils ont été fortement influencés par ces légistes, ancêtres de la grande bourgeoisie de service et de la noblesse ministérielle qui n'hésiterons pas, plus tard, à placer leur passion  du bien public avant leur dévouement personnel pour le prince chaque fois qu'il leur paraîtra impossible de l'y intégrer.
Rompus aux subtilités juridiques du droit romain (ce qui leur vaudra l'accusation d'être "retors" et "hypocrites" par les tenants de la coutume féodale), ils ont largement contribué à la diffusion  de la conception centralisatrice de l'Etat omniscient, omniprésent et indivisible, qui a profondément imprégné les mentalités et les pratiques de la France moderne." (*)

L'auteur de ces lignes ne se doutait pas, alors, qu'entre 1981 et 1993 il deviendrait deux fois ministre, deux fois ministre délégué, puis secrétaire d'Etat.

(*) Louis Maixandeau, "Les Capétiens", Editions Rencontre, 1969.

mardi 19 octobre 2010

  

Le plan quinquennal

 
"Le plan quinquennal est un document de planification économique gouvernemental fixant des objectifs de production, sur une période de cinq ans. Pour les États utilisant des plans quinquennaux, on parle d’économie planifiée. Initialement utilisé en URSS depuis le Ier Plan (1928-1932) jusqu'au XIIIe Plan (1991), le plan quinquennal est ensuite apparu dans d'autres pays communistes comme la République populaire de Chine (où il existe toujours). L'usage de plans quinquennaux, sous différentes formes, s’est aussi répandu dans les démocraties populaires et occidentales, dont la France, qui, via le Commissariat général du Plan, l'a utilisé jusqu’en 2005, ainsi que des pays comme le Canada ou le Maroc." (WIKIPEDIA)

Les axes du douzième plan chinois (2011-2015) ont récemment été adoptés et si l’on sait interpréter le langage administratif maltraité par la traduction, on peut voir se dessiner la tendance à moyen terme de l’évolution du pays; ainsi, quand le discours officiel parle de "construction d'une société modérément prospère", il faut comprendre: maîtriser une croissance utile à tous.

Orientation
- rappel que la Chine est au nombre des pays en voie de développement et que l’effort pour améliorer les conditions de vie d’une grande partie de la population (n’ayant pas jusqu’ici bénéficié des effets du boom économique) doit être poursuivi, de même qu’il convient d’assurer les acquis d’une classe moyenne en constante augmentation;
- développer un service public efficace adapté à la spécificité chinoise dans toutes les régions du pays (c’est très vaste, mais la notion de service public englobe généralement une grande variété de services : police, justice, finances publiques, administration, enseignement, santé, sécurité sociale, culture, assainissement, transports et énergie);
[note: ceci devrait exiger une plus grande centralisation ou une intervention accrue du pouvoir central allant de pair avec sa lutte contre la corruption]
- renforcer le système de sécurité sociale mis en place et accélérer la réforme du réseau de santé (là, c’est plus précis);
- créer des emplois et améliorer les conditions de travail des salariés, rééquilibrer globalement la distribution des revenus et améliorer la rémunération dans le secteur primaire (qui occupe 80% de la population);
- poursuite de la réforme du système et ouverture vers l’extérieur (ce qui signifie: continuation d'une démocratisation "à la chinoise" et développer l'expression de la Chine au sein des institutions et conférences internationales);
- amélioration des lois et règlements concernant la protection de l’environnement et les émissions de CO2;
- mesures économiques incitatives (prix, impôts et financement) pour la promotion des économies d’énergie;
- développer l’innovation scientifique et technique en direction des énergies renouvelables.

lundi 18 octobre 2010

jeudi 14 octobre 2010

Les Trois-Epis

                 
Umkehrt esch au g'fahre
(faire demi-tour c'est aussi rouler)
       
On fait le plein du Solex à la station de la Place Rapp. L’odeur entêtante des vapeurs d’essence précède l’ivresse du grand large dès la rue de Turckheim, où des monstres de ferraille vont dégager leurs fumées toxiques tout en nous frôlant de très près, kilomètre après kilomètre toujours plus déterminés à nous chasser de leur bitume.

Des kilomètres, on en a cinq devant le nez pour arriver à Turckheim. A une allure à plat proche de 33 km/h, on va donc parcourir cette route, mi-faubourienne, mi-maraîchère, dans le temps record de 10 minutes. Il y aurait aussi la possibilité de faire un détour par Ingersheim ou Wintzenheim, mais cela ne ferait qu’allonger le voyage d’au moins 4 kilomètres. Et la taille minuscule du réservoir n’incite pas aux dérives; après Turckheim, nous nous lançons dans une aventure que personne, à ma connaissance, n’a jamais tentée.

Vous situez Turckheim ? on passe devant l'usine électrique et l'ancienne papeterie, le cimetière et la gare, puis on franchit le pont sur la Fecht et on tourne a gauche devant la Porte de France. Nous ne sommes encore pas à mi-parcours et le quai interminable que nous suivons à de quoi faire vaciller nos ambitions; l’arrivée paraît s’éloigner à mesure que s’allonge la haie d’arbres bordant la rivière. A proximité d’un groupe de bâtiments industriels hors d’âge, et une fois passés les immeubles d'ouvriers aux briques pour le moins centenaires, les vignes réapparaissent, puis dévalent la colline et nous accompagnent jusqu’à l’entrée de la forêt.

Brigitte Bardot sur son Solex en 1971

Affronter cet autre univers demande de l’attention: chose sérieuse, les cinq kilomètres restants ont un dénivelé de 450 mètres et c’est dans ces conditions que le côté sportif du Solex exprime sa plénitude, car il a besoin de nos muscles. Il faut pédaler ferme pour éviter une apoplexie du moteur, en zigzaguant sur la route étroite, alors que quelques camions poitrinaires crachent des relents de diesel et des miasmes de klaxons aigres. La lutte est malsaine, le combat incertain. Gagner quelques mètres dans la douleur ou le repli dans une existence de vaincu...

Sabrant la réflexion dans son élan, l’arrivée au sommet frappe le solexiste de plein fouet, sans préparation, ni précaution. Il n’est pas encore à se demander s’il referait un jour la montée, qu’il est déjà entraîné à se décider sur ce qu’il va faire maintenant, à choisir une direction: la route c’est fait pour ça.

On est déjà venu aux Trois-Epis, "Station climatique" dans le style des années 50, avec quelques hôtels reconvertis en centres de soins et un pèlerinage à Notre-Dame-de-l'Annonciation. A l'écart, on se souvient qu'une statue du Christ de sept mètre domine la plaine d'Alsace et que l'on est venu avec d'autres, après une nuit festive, voir le soleil se lever depuis cette position wagnerienne.

Rentrer, plutôt, car la capacité réduite du réservoir d'essence incite à la modération. A gauche, la route descend doucement vers le pays welche, mais s'éloigne du raisonnable. C'est donc une plongée folle sur la route déserte de Niedermorschwihr qui achève l'expédition, dans l'euphorie et la libération des tensions qui avaient accompagné chaque tour de roue depuis Turckheim (où il existe maintenant un Musée du Solex...).
                     

Supplément gratuit: leçon de conduite sur Solex

mardi 12 octobre 2010

Mandchou chinois

    

Panneau placé sur un bâtiment de la Cité interdite et rédigé en écriture chinoise (Hanzi) avec équivalent en écriture mandchoue:

= Qian (? Qianlong empereur de 1735 à 1796 ?)
= Qing (dynastie d'origine mandchoue)
= porte (graphie ancienne)

lundi 11 octobre 2010

Les Jésuites sont chocolat

                                 
"Enfin, l'arrivée de la flottille couronna ce succès. Elle était riche de plus de soixante millions en or ou argent, et de douze millions de marchandises sans les fraudes et les pacotilles. J'avancerai à cette occasion le récit d'une aventure qui n'arriva que depuis que le roi d'Espagne fut à Madrid. En déchargeant les vaisseaux il se trouva huit grandes caisses de chocolat dont le dessus était: chocolat pour le très révérend père général de la compagnie de Jésus. Ces caisses pensèrent rompre les reins aux gens qui les déchargèrent et qui s'y mirent au double de ce qu'il fallait à les transporter à proportion de leur grandeur. L'extrême peine qu'ils y eurent encore avec ce renfort donna curiosité de savoir quelle en pouvait être la cause. Toutes les caisses arrivées dans les magasins de Cadix, ceux qui les régissaient en ouvrirent une entre eux et n'y trouvèrent que de grandes et grosses billes de chocolat, arrangées les unes sur les autres. Ils en prirent une dont la pesanteur les surprit, puis une deuxième et une troisième toujours également pesantes. Ils en rompirent une qui résista, mais le chocolat s'éclata, et ayant redoublé ils trouvèrent que c'étaient toutes billes d'or, revêtues d'un doigt d'épais de chocolat tout alentour; car, après cet essai, ils visitèrent au hasard le reste de la caisse et après toutes les autres. Ils en donnèrent avis à Madrid, où malgré le crédit de la société on s'en voulut donner le plaisir. On fit avertir les jésuites, mais en vain. Ces fins politiques se gardèrent bien de réclamer un chocolat si précieux; et ils aimèrent mieux le perdre que de l'avouer. Ils protestèrent donc d'injure qu'ils ne savaient ce que c'était, et ils y persévérèrent avec tant de fermeté et d'unanimité que l'or demeura au profit du roi, qui ne fut pas médiocre, et on en peut juger par le volume de huit grandes caisses de grandes et grosses billes solides d'or; et le chocolat qui les revêtait demeura à ceux qui avaient découvert la galanterie."

Mémoires de Louis de Rouvroy, duc de Saint-Simon
tome 3, chapitre V, édition Chéruel, 1856

vendredi 8 octobre 2010

Réponse

   
La phrase "je ne parle pas bien chinois" se traduit par:
 

soit: "wo de zhōng wén bú tài hǎo", donc la langue chinoise est communément appelée Zhongwen par ses locuteurs. On avance.

mercredi 6 octobre 2010

普通话 / Le Putonghua

  
Le Putonghua (langage commun) est langue officielle en République Populaire de Chine, Taïwan et Singapour. Elle est issue de la variante pékinoise du Mandarin, lui-même composé d’un mix de dialectes chinois parlés dans les provinces du nord, du centre et du sud-ouest du pays. Dans l’usage courant, Mandarin désigne en Occident la langue chinoise contemporaine, alors que pour les linguistes ce terme se réfère uniquement au groupe de langues dont elle fait partie.
D’autres groupes particuliers de langues existent également en Chine continentale, dont les plus importants sont le Wu, que l’on trouve dans la région «Nanjing-Shanghai-Hangzhou-Suzhou» (bien que le shanghaien, très répandu du fait de la taille gigantesque de la ville, ne soit qu’un patois), et le Cantonais dans la pointe sud, Hong Kong et Macau.
Depuis le XIVe siècle, des efforts constants sont faits pour mettre au point un langage susceptible de permettre au pouvoir central de communiquer avec son administration. La langue de la Cour et des Officiels (ces derniers appelés à tort Mandarins par les Portugais), s’est d’abord intitulée Guanhua, et subit l’influence du parler de Nanjing lorsque cette ville était capitale de l’Empire, puis ensuite de Beijing dont les standards de prononciation devinrent la norme. Ce qui n’évitait pas, encore au 19e siècle, la survivance de difficultés de communication entre l’Empereur et des fonctionnaires peu familiarisés avec les us et coutumes.
A l’établissement de la République de Chine, en 1912, la promotion d’un langage national commun s’intensifie, bien qu’une littérature en langues régionales continue de se développer parallèlement. En 1932, la Commission de standardisation publie "Le Vocabulaire de Prononciation Nationale pour l’Usage Quotidien".
La République Populaire de Chine est instituée en 1949: l’effort d’harmonisation est soutenu et, en 1955, le terme Putonghua (langage commun) vient remplacer celui de Guoyu (langue nationale) adopté par le Guomindang. Tout au long du XXe siècle, des mesures de simplification sont poursuivies, tant au niveau de la langue que de l’écriture (qui n’avait, elle, pratiquement pas changé depuis l'aube des siècles).
Le Putonghua à la mode de Beijing est marqué par l’accent des anciens quartiers mandchous de la capitale, où habitaient les membres des clans alliés à la dernière dynastie Qing (cavaliers nomades des steppes, proches des Mongols): chuintements fréquents ponctués de sons gutturaux et langue roulée pour les syllabes finales en "-er". Toutefois, chaque Chinois garde l’accent de sa région natale lorsqu’il s’exprime en Putonghua, même lorsqu’il est arrivé au sommet du pouvoir: les initiés identifient instantanément l’accent d’un Mao Zedong, d’un Zhu Enlai ou d’un Deng Xiaoping, sans parler de contemporains comme Hu Jintao et Wen Jiabao, ou même du dauphin Xi Jinping.
Pour les personnes peu sujettes à la migraine, j'ajouterai que, outre ce que l'on a vu plus haut, la langue chinoise peut prendre diverses dénominations dont la subtilité m'échappe encore: Zhongwen, Hanyu, Zhongguohua.

lundi 4 octobre 2010

La souris et l'éléphant

          
Une souris et un éléphant courent dans la savane. La souris se retourne et dit: "Tu as vu la poussière qu'on fait !" (conte africain à moralité chinoise).

vendredi 1 octobre 2010

阎罗王 / Yanluowang

   
Yanluowang est un ancien dieu chinois emprunté au bouddhisme, qui l'a lui-même récupéré de l'hindouisme où il est connu sous le nom de Yama: il a pour fonction redoutable d'être juge et gardien de l'enfer. Selon la tradition, l'enfer se cache sous une montagne, parfois appelée Fengdu (酆都) et parfois Mingshan (冥山), située au Sichuan dans la ville-préfecture de Ya'an. Je suis passé à côté sans le savoir, ouf !
Tout ceci pour en arriver au fait que ce personnage tient la liste des humains à convoquer au terme de leur existence, et que ceux-ci font tout pour échapper à son attention. Les Chinois sont superstitieux et c'est peut-être la raison pour laquelle ils tentent de compliquer la gestion du fichier, en étant très nombreux à porter le même nom. En Chine donc, il n'y a que 438 patronymes différents pour plus d'un milliard d'habitants et le plus courant, Zhang, est porté par près de cent millions de personnes. Il est donc très facile de dire: "c'est pas moi, c'est un autre Zhang".
Une autre embûche tendue au destin est à mettre en relation avec les anniversaires. Si l'on fête joyeusement les enfants et les jeunes adultes, vient un moment où il est préférable de faire oublier son âge par Yanluowang, tout occupé qu'il est à courir après ses clients. Répéter "bon anniversaire!", année après année pendant trop longtemps, va finir par attirer son attention et lui rappeler que l'on a suffisamment vécu.
Pour en revenir au temps présent, j'ai une bonne et une mauvaise nouvelle en ce qui concerne l'enfer. Si le Sichuan a beaucoup souffert du tremblement de terre de 2008, la région de Ya'an a été épargnée (point positif, parce que c'est un bel endroit), mais cela implique par conséquent (point négatif) que l'enfer existe toujours. Alors, évitez de me signaler à Yanluowang: cette fois-ci, il ne me ratera pas...