La toile fait 43 sur 38 centimètres. Elle est entourée d’un cadre en bois doré d’une largeur de 5,5 centimètres. Le sujet représente une scène de genre historique ayant pour décor un hameau enfoncé dans les dunes bordant la Mer du Nord.
Le ciel bleu pâle est traversé par des nuages gris et roses, vaporeux et agiles, chassés par cet incessant vent d’ouest. Le regard est attiré, au tiers inférieur, par un puits - ou peut-être mieux, un bassin – contre lequel est appuyée une femme vêtue d’un costume du XVIIIe siècle, de face, en conversation avec une autre, que l’on ne voit que de dos. Une troisième, à leur gauche, les observe depuis la porte d’une maison basse - ou alors est-elle en train de suivre le geste d’un jeune garçon posant un seau à proximité des deux autres.
Deux poules au plumage foncé sont occupées à picorer à quelque distance devant la mère et son fils ; leur parenté est une option que je prends. A l’opposé, donc à droite du groupe, se trouve une maison de style identique : aux murs de l’une et de l’autre ont été suspendus des filets de pêche à faire sécher ou à réparer. Il devrait y avoir encore une palissade dressée à mi-hauteur, et courant d’une maison à l’autre, soit pour barrer le passage aux intrus, soit pour contenir le sable envahissant, mais elle n’apparaît pas nettement sous cet éclairage insuffisant. Une sorte de tranchée pratiquée dans le sol descend en biais vers la droite. A son origine, on relève la présence de ce qui ressemble à une bassine cylindrique dont la fonction reste mystérieuse. Alors qu’en contrebas, deux planches parallèles ont été posées pour passer cet obstacle malaisé à franchir. On peut encore signaler les notes claires de linge mis à sécher ici et là, puis la forme d’un panier en osier renversé et d’une barrique debout : probablement une caque destinée à conserver le hareng.
Au point de fuite de la perspective, logé au centre de la surface peinte pour assurer un climat serein à l’ensemble, une troisième bâtisse au toit de chaumes, flanquée d’une large cheminée rectangulaire, est à moitié dissimulée par une haute dune sur laquelle court une végétation rase, telle qu’on peut en voir habituellement sur ce type de terrain. A part ça, on distingue encore la trace semi-circulaire qu’aurait laissée une carriole à deux roues pour atteindre cet endroit isolé. Outre le ciel, la couleur dominante est le beige, légèrement grisé, avec quelques atomes de Terre de Sienne brûlée pour donner du relief et, par endroit, une impression fugitive d’applications olivâtres pour rappeler à la vie les graminées perdues dans ce monde minéral.
L’auteur du tableau est un nommé Vermeer - sans rapport avec celui de Delft – et, en l’absence de titre, l’oeuvre a été décrite comme suit dans le catalogue : "Keuvelende vrouwen op erf, op de achterground een duinpartij" : on peut la rattacher à l’Ecole hollandaise, classique et éternelle. Accroché au mur, à moins de deux mètres de la table où j’écris ce texte, le tableau a été acheté lors d’une vente en Amsterdam, à une période faste sur le plan pécuniaire, et figure en bonne place parmi les lucarnes proposant l’évasion au quotidien ; bien avant la télévision.
Rêve ou souvenir ? La distinction est marginale, car la fonction est identique : le rêve est un moyen d’améliorer l’instant présent, alors que le souvenir en est un autre pour enjoliver le passé.
Superbe ce billet. On aimerait voir ce tableau de Vermeer...
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