jeudi 14 octobre 2010

Les Trois-Epis

                 
Umkehrt esch au g'fahre
(faire demi-tour c'est aussi rouler)
       
On fait le plein du Solex à la station de la Place Rapp. L’odeur entêtante des vapeurs d’essence précède l’ivresse du grand large dès la rue de Turckheim, où des monstres de ferraille vont dégager leurs fumées toxiques tout en nous frôlant de très près, kilomètre après kilomètre toujours plus déterminés à nous chasser de leur bitume.

Des kilomètres, on en a cinq devant le nez pour arriver à Turckheim. A une allure à plat proche de 33 km/h, on va donc parcourir cette route, mi-faubourienne, mi-maraîchère, dans le temps record de 10 minutes. Il y aurait aussi la possibilité de faire un détour par Ingersheim ou Wintzenheim, mais cela ne ferait qu’allonger le voyage d’au moins 4 kilomètres. Et la taille minuscule du réservoir n’incite pas aux dérives; après Turckheim, nous nous lançons dans une aventure que personne, à ma connaissance, n’a jamais tentée.

Vous situez Turckheim ? on passe devant l'usine électrique et l'ancienne papeterie, le cimetière et la gare, puis on franchit le pont sur la Fecht et on tourne a gauche devant la Porte de France. Nous ne sommes encore pas à mi-parcours et le quai interminable que nous suivons à de quoi faire vaciller nos ambitions; l’arrivée paraît s’éloigner à mesure que s’allonge la haie d’arbres bordant la rivière. A proximité d’un groupe de bâtiments industriels hors d’âge, et une fois passés les immeubles d'ouvriers aux briques pour le moins centenaires, les vignes réapparaissent, puis dévalent la colline et nous accompagnent jusqu’à l’entrée de la forêt.

Brigitte Bardot sur son Solex en 1971

Affronter cet autre univers demande de l’attention: chose sérieuse, les cinq kilomètres restants ont un dénivelé de 450 mètres et c’est dans ces conditions que le côté sportif du Solex exprime sa plénitude, car il a besoin de nos muscles. Il faut pédaler ferme pour éviter une apoplexie du moteur, en zigzaguant sur la route étroite, alors que quelques camions poitrinaires crachent des relents de diesel et des miasmes de klaxons aigres. La lutte est malsaine, le combat incertain. Gagner quelques mètres dans la douleur ou le repli dans une existence de vaincu...

Sabrant la réflexion dans son élan, l’arrivée au sommet frappe le solexiste de plein fouet, sans préparation, ni précaution. Il n’est pas encore à se demander s’il referait un jour la montée, qu’il est déjà entraîné à se décider sur ce qu’il va faire maintenant, à choisir une direction: la route c’est fait pour ça.

On est déjà venu aux Trois-Epis, "Station climatique" dans le style des années 50, avec quelques hôtels reconvertis en centres de soins et un pèlerinage à Notre-Dame-de-l'Annonciation. A l'écart, on se souvient qu'une statue du Christ de sept mètre domine la plaine d'Alsace et que l'on est venu avec d'autres, après une nuit festive, voir le soleil se lever depuis cette position wagnerienne.

Rentrer, plutôt, car la capacité réduite du réservoir d'essence incite à la modération. A gauche, la route descend doucement vers le pays welche, mais s'éloigne du raisonnable. C'est donc une plongée folle sur la route déserte de Niedermorschwihr qui achève l'expédition, dans l'euphorie et la libération des tensions qui avaient accompagné chaque tour de roue depuis Turckheim (où il existe maintenant un Musée du Solex...).
                     

Supplément gratuit: leçon de conduite sur Solex

1 commentaire:

  1. au debut de la video il est inscrit "manette des gaz" c'est faux c'est le starter!!!!! les gazs sont couplé a la poignée de frein (quelque modèle poignée tournante

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