lundi 28 juin 2010

OPUS MIXTUM (iii)

 
Troisième chapitre: le passé est au fond de l'espace

La navette spatiale se met en configuration de gravitation artificielle, à la surprise de deux néophytes n’ayant sans doute pas anticipé la manoeuvre : ils se retrouvent  inclinés dans des angles différents, bien que l'un en face de l'autre. Collé à la paroi pour bénéficier d’un champ uniforme, j’attends d’avoir rectifié mentalement toutes les anomalies survenues dans mon champ de vision pour retourner à l’espace qui m’est réservé. Pour plus de sécurité, je fixe un objet dont l’immobilité est certaine, tout en évitant de regarder par les ouvertures extérieures le spectacle lancinant des étoiles passant et repassant comme un carrousel emballé, puis je me lance résolument en avant. J’ai suffisamment séjourné dans ce type d’endroit, où l’être humain n’est bon qu’à occuper les espaces vides laissés par la matière inanimée et à prendre soin des choses, pour savoir que la présence de l’homme rassure la machine et lui offre une protection contre l’usure - voire même la destruction conjointe -, et que de la seule raison humaine dépend la survie de cette civilisation de migrants interplanétaires.
L’étude des pathologies spatiales a, bien sûr, débuté au retour des premiers vols habités. C’était l’époque des pionniers, véritables héros prêts à sacrifier leur intégrité physique et psychique pour le progrès de la science et de l’humanité. Elle devint discipline médicale à part entière, dès le moment où la population de Terriens voguant dans les espaces infinis parvint à égaler en nombre celle déambulant sur la planète originelle. On s’est aperçu depuis, que certains troubles du comportement ne relevaient pas de causes jusque-là explicables en environnement terrestre. Il a fallu en remonter aux poètes du grand large interplanétaire pour construire une nouvelle approche de phénomènes inexpliqués, à l’instigation de Friedrich Hölderlin et de son : "...mais ce qui demeure, les poètes le fondent". Au panthéon de ceux-ci Ray Bradbury, en Du Bellay cosmique méditant sur la beauté tragique de l’antique civilisation martienne, et Arthur C. Clarke, en Homère spatio-temporel laissant son héros affronter mort et transfiguration au franchissement d’un Trou Noir.
Et  l'on en arrive à se rapprocher de ce qui nous amène ici.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire