mercredi 27 janvier 2010

Xiu a faim

     
La voyageuse (appelons-la Xiu) descendue ce jour-là en gare de Xinqua, n’avait d’autre raison de le faire que le train cessait d’avancer pour un motif indéterminé. Elle était montée, avec un groupe d’étudiants, dans le wagon d’un convoi de marchandises tiré par une machine à vapeur cachectique. Depuis quelques semaines, les trains circulaient sans horaire et les voyageurs sans billet. On se loge comme on peut à Xinqua, dans un bâtiment abritant les décors de la troupe locale d’opéra traditionnel. Quelques restaurants sont ouverts, mais ne proposent que des plats à base de viande de chien.
Alors, il faut se contenter de biscuits emportés pour le voyage. Puis on croise un soldat conduisant un prisonnier attaché. Le malaise succédant au dégoût, décision est prise de quitter la ville par le premier moyen de transport. A peu de distance se trouve le village de Yiwu, où Xiu pense pouvoir retrouver un lointain parent, universitaire échoué dans cet endroit qui aurait pu rester oublié à jamais, s’il n’y avait la réputation de son jambon. Un autocar déglingué la dépose sur une place de marché grouillante de chalands et où les produits fermiers abondent en cette période de pénurie. Mais ce qui la frappe le plus, c’est la quantité considérable de peaux de chats suspendues à tous les étals. Le fameux parent étant introuvable et les doutes sur la composition du jambon d’Ywu pesants, Xiu décide de prendre le seul train de voyageurs annoncé à la gare.
  

     
La région de Guangzhou est connue pour son humidité et il pleuvra tous les jours de la semaine qu’elle y passera. Logée dans un immeuble en construction, le bol de nouilles à base de riz qu’on lui propose deux fois par jour est insuffisant à rassasier son appétit. Mais on trouve à Guangzhou quantité de friandises inconnues et Xiu se nourrit de gâteaux. A part le pont sur la Rivière des Perles, la ville ne révèle aucun intérêt particulier et le départ s’impose par lassitude. Notre voyageuse trouve une place dans un train en partance pour le nord et, malgré les tentations offertes par les nombreux arrêts dans des endroits inconnus, elle renonce à quitter sa place pour être certaine de la conserver jusqu’à destination. Et puis le Nouvel An approchant, l’envie de retrouver la maison gagne sur l’esprit d’aventure. Cette atmosphère de grandes vacances marquait le prologue de la Révolution Culturelle.

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